Pierre, une fois de plus, se montre très humain. Sa remarque, qui peut paraître respectueuse, cache un grand orgueil. « Laisse-moi faire, ce n’est pas à toi de faire cela !»
Nous n’aimons pas dépendre des autres, c’est humain. Nous connaissons tous des personnes qui sont pleines de bonne volonté pour aider, un peu comme si tout l’amour du monde dépendait d’elles, mais qui par ailleurs n’arrivent pas à accepter l’aide d’autres. Pierre refuse que Jésus prenne l’initiative, d’autant plus que cette initiative n’entre pas dans sa vision des choses. Dieu ne peut pas être comme cela ! Je me souviens d’une remarque lors d’un conseil pastoral, lorsque j’étais vicaire à châtelineau : une des membres nous a fait remarquer que nous étions prêts à faire des choses pour Dieu, avant de demander si nous étions prêts à faire les choses de Dieu ?
Jésus est le maître du jeu et il le rappelle à Pierre Qu’il nous est difficile d’accepter de ne pas être les maîtres du jeu !
D’autant plus que Jésus manifeste une façon paradoxale, pour nous du moins, d’être le maître. Un maître qui ne cherche pas à dominer, mais un maître qui nous appelle « amis », un maître qui ne veut que le bien pour nous. Ce bien passe par un autre type de relations entre nous. Une relation faite d’écoute, d’accueil de l’autre ; une relation dans laquelle j’accepte de me laisser transformer par l’autre, dans laquelle j’accepte d’être remis en question.
Jésus, une fois du plus, nous dérange en nous demandant de nous laisser déranger. Ce n’est pas évident. Face à la crise que nous vivons, il est encore des hommes et des femmes, même des « responsables », politiques qui ne voient pas la nécessité d’écouter ce que cette crise nous dit, pour reprendre un jeu de mot qui me plaît : « ce que le mal à dit. » Car ce petit virus nous révèle à nous-mêmes. La tentation est grande de croire qu’il n’est qu’un ennemi à abattre et de ne pas voir qu’il nous révèle aussi que nous pouvons être notre propre ennemi.
Écoutons, acceptons de ne pas être maîtres du jeu et acceptons, avec Jésus d’entrer dans un autre type de relations entre nous. Une relation de communion et de service et non une relation de compétition dans laquelle chacun cherche à être le meilleur pour dominer, et non une relation de compétition qui fait plus d’exclus que de gagnants.
C’est à cette conversion que Jésus invite ses disciples lors de ce repas partagé pour signifier le sens de la croix : ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne pour vous, par amour. Je ne vous demande pas de faire de même, vous ne le pourriez pas et peu importe, je vous demande simplement d’accueillir cet amour dans vos vies pour qu’il vous transforme.
Bon jeudi saint à vous
Xavier Nys