Parfois, nous réagissons avec Dieu comme des enfants qui demandent de l’aide à leurs parents pour un devoir. Nous aimerions bien qu’ils fassent le devoir à notre place. C’est un peu ce qui se passe dans l’Evangile après la multiplication des pains.

Par ailleurs, nous connaissons tous la devise des iles de paix, qui reprend un proverbe chinois : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour ; si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours. »

La pédagogie du Christ va dans ce sens. Si Dieu nous donnait tout, nous serions complètement dépendants de lui. Non, Dieu veut nous partager sa sagesse, nous montrer un chemin de vie, il ne veut pas vivre à notre place. Le geste de la multiplication des pains est d’abord une invitation à croire en sa Parole et à la mettre en pratique. Si nous vivions la communion, chacun aurait de quoi vivre. Chacun aurait aussi quelque chose à apporter. Nous ne serions pas dans une logique assistant – assisté, donateur – bénéficiaire mais dans une logique d’échange, de partage véritable.

Dieu n’est pas un gourou ou un magicien qui peut tout résoudre. Si c’est ce que nous cherchons, nous avons frappé à la mauvaise porte avec le Christ. Jésus nous fait découvrir peu à peu que l’essentiel ce sont les relations humaines que nous tissons. Il est évident que pour les tisser, nous devons permettre à chacun d’avoir des conditions de vie matérielles minimales. C’est possible si chacun y met du sien, si chacun ne se laisse pas dominer par son égoïsme. Le but de la vie n’est pas uniquement d’assurer un bien-être matériel, mais aussi d’assurer un bien-être relationnel. Assurer à chacun des conditions matérielles qui permettent une vie humainement digne. Nous devons tenir les deux éléments ensemble. Notre société occidentale s’est focalisée sur le bien-être matériel et nous voyons les impasses dans lesquelles nous sommes. L’homme est devenu esclave de ce qu’il possède, esclave d’un système qui le détruit. Nous avons oublié l’essentiel, le relationnel.

L’autre écueil, mais qui n’est pas aussi pertinent pour notre monde aujourd’hui, serait de se réfugier dans le spirituel et d’oublier que cela passe par un minimum vital d’un point de vue matériel. L’homme ne peut grandir en humanité s’il n’est pas respecté dans sa dignité par des conditions matérielles injustes. Nous avons aussi la responsabilité de partager le pain pour que chacun puisse manger et devenir humain.

Notre monde occidental s’est fourvoyé en accumulant des richesses. Nous avons cru qu’un plus grand confort matériel rendrait l’homme heureux. Or, nous vivons une spirale d’accumulation. Nous ne sommes jamais satisfaits de ce que nous avons. Le monde occidental a déshumanisé l’homme en l’exploitant pour produire des richesses soi-disant pour le rendre heureux.

Cette accumulation, ce désir jamais assouvi d’avoir plus a aussi entraîné des inégalités énormes. Nous avons péché par gloutonnerie, nous voulons accumuler pour nous-mêmes. Non seulement nous avons perdu notre dignité dans la recherche effrénée à posséder plus, mais notre attitude a également déshumanisé une grande partie de la population en la maintenant dans une situation de misère. Nous avons travaillé pour une nourriture qui se perd et nous avons empêché une partie de l’humanité d’accéder au minimum nécessaire pour vivre dans la dignité.

Le récit de la multiplication des pains est très éclairant à ce propos, n’hésitons pas à le méditer pour en vivre. En effet, « Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. » Mt 7,21 ou encore « Mettez la Parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter : ce serait vous faire illusion. Car si quelqu’un écoute la Parole sans la mettre en pratique, il est comparable à un homme qui observe dans un miroir son visage tel qu’il est, et qui, aussitôt après, s’en va en oubliant comment il était. Jc 1, 22-24.

Bonne journée.

Xavier Nys